Sarah Kügel, la poésie au corps à corps

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Sarah Kügel
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Dans "Poésie-bagarre", son premier recueil, publié chez Baraques, Sarah Kügel arme la douceur de peur qu'elle s'évanouisse. 

Le portrait de Sarah Kügel pourrait tenir en une ligne. Quelques mots à peine. Une série de qualificatifs qu’elle débite dans un seul élan de voix. Même pas la peine de reprendre sa respiration. « Verbivore, metteuse en page, lutteuse, grappleuse et poétesse ». Mais ce serait un peu court sans doute. Pour s’approcher du personnage, il faut remonter quelques années en arrière.
Disons qu’il y a un avant et un après la bagarre. “Depuis que j’apprends à me battre, je n’en finis pas d’écrire.” Depuis que le corps parle, la main, la voix se sont libérés pour dire des textes dont une partie se retrouve au sein du recueil Poésie-bagarre publié en janvier 2025 aux éditions Baraques. “La bagarre c’est aussi la décharge d’adrénaline. Combattre pour un autre rapport au corps, pour gérer autrement les émotions.”
Au fil des pages, la bagarre vient soutenir encore l’édifice de ce recueil qui mêle des expériences de vie, des souvenirs, des projections. “C’est ma petite musique.” Dans ces textes, dans les mots de Sarah Kügel, on retrouve pas mal de relations amoureuses, des duos, comme dans la bagarre, au corps à corps. “Les hommes, j’ai appris à les étrangler avant de pouvoir les regarder dans les yeux. Je suis devenue actrice de mon désir.”
Dans la série des qualificatifs revendiqués par Sarah Kügel, on aurait pu ainsi ajouter “féministe”. Mais qu’on ne s’y trompe pas, Poésie-bagarre n’est pas un ouvrage militant. “Je suis féministe mais pas dans la poésie. C’est un espace à part. Pour moi, la vie réelle ne doit pas avoir prise dans la littérature.” 
Au fil des textes, on retrouve la même écriture tendue nourrie de “l’adrénaline de la lutte. Casser pour mieux reconstruire et puis lâcher prise. J’aime mieux ma vie maintenant. Quand on est amoureux, il faut savoir se défendre. Défendre la douceur, l’armer à coup de clefs et d’étranglement", explique la poétesse-lutteuse.
Et quand elle n’écrit pas ? Et quand elle ne se bat ? Sarah Kügel est aussi graphiste et directrice artistique à Rouen. Son rapport à l’écriture et au texte passe donc par de la mise en page. Elle dessine. Elle illustre. Pose des images sur des mots. Pose sa voix encore sur des podcasts.
À la fin, la bagarre a offert à Sarah Kügel les armes dont elle avait besoin pour défendre la douceur et écrire sa poésie. “Une façon de régler mes comptes aussi. Et parfois juste pour préserver la mémoire, garder le moment pour qu’il ne m’échappe pas.”

Crédit photo : Hugo Benguesmia